René-Xavier Prinet et La Bande noire (Les Nubiens)
Le surnom de « La Bande noire » ou « Les Nubiens » fut donné à un groupe de cinq peintres français dans les décennies 1900 et 1910, par la critique artistique lors du salon de la Société Nationale des Beaux-arts de 1895. Ces peintres s’inspirent de Gustave Courbet et de la tradition classique, et utilisent des couleurs sombres pour exprimer la mélancolie, la rigueur et le réalisme de la vie quotidienne.
Ils représentent des scènes intimistes : des portraits, des scènes de vie quotidienne, ou des scènes religieuses en s'opposant aux toiles claires des impressionnistes.
Ils s'inspiraient à la fois du réalisme de Courbet et de la construction cézannienne pour rendre l'immuabilité de cette terre mélancolique dans des toiles solides où le trait vigoureux souligne la composition par masses.
Selon André Cariou :
« Au-delà des qualificatifs voulus par des critiques en quête d’originalité, cet atelier exprime bien ce que fut cette “Bande noire”, avant tout la rencontre d’artistes assez proches les uns des autres, aimant les mêmes peintres, cultivés, amateurs de musique et de littérature. Ils nouent entre eux des relations amicales, voyagent ensemble, échangent des œuvres, se font le portrait à l’occasion.
La Bande noire réunissait : Charles Cottet, Emile-René Ménard, André Dauchez, François-Xavier Prinet, Lucien Simon et Maurice Denis.
D'autres peintres en sont proches sans être membres du groupe : Edmond Aman-Jean, George Desvallières, Jean-louis Boussingault et Robert Lotiron.
Remarque : Ce terme Bande noire peut faire référence à six groupes distincts.
Soirée à l’atelier de Lucien Simon, 1904
(Huile sur toile, 228 x 300 cm)
Collection de la Fondation Iris et B.Gerald Cantor
(Collection supposée disparue dans l’attentat du World Trade Center)
Avec de gauche à droite, Edouard Saglio, George Desvallières, Jeanne Simon de dos, Charles Cottet, François-Xavier Prinet, René Ménard assis, au premier plan deux filles de Lucien Simon, Jeanne Ménard et Jeanne Prinet.
Pour mesurer l’importance de cette œuvre " Soirée à l'atelier " de Lucien Simon voici un extrait de l'article du critique R. de Felice « La peinture aux Salons », dans l’Art Décoratif, juin 1905 :
« Mais quelles merveilleuses qualités de peintre ! Quelle sûreté
infaillible, quelle hardiesse et quelle mâle franchise dans les
accords de tons, dans la répartition des ombres et des lumières,
dans la subordination des détails à l’ensemble, dans l’étagement des
plans et la simplification des masses. »
- cf. le site sur Lucien Simon)
- cf. Lucien Simon (1861-1945) – George Desvallières (1861-1950) Une amitié d’hommes et d’artistes par Maximilien Ambroselli(Symbolisme contre « Bande noire »).
Charles Cottet (1863-1925). Il est considéré comme le chef de file de ce mouvement.
Il s’intéresse d’abord à la Bretagne et à ses marins ("l'Enterrement breton", 1895, musée de Lille) avant de se tourner vers l’Espagne, l’Orient et l’Égypte.
Représentant de la peinture «bretonne» à l’heure de la vague impressionniste, Charles Cottet propose des tableaux souvent sombres, au point qu’il sera catalogué au sein de la «bande noire», mouvement artistique du début du XXe siècle. Cette marine dépouillée, mais dense, par le contraste entre la mer calme et le ciel chargé, est symptomatique d’une certaine mélancolie exprimée par l’artiste dans ses œuvres…
Il côtoie de nombreux artistes, dont Rodin, qui acquiert cette toile à l’occasion d’une visite dans l’atelier de son ami. Le musée Rodin conserve actuellement trois toiles de Cottet.
Comme beaucoup d’artistes de son temps, le peintre s’intéresse aux scènes de la vie bretonne, le peintre de la Bretagne âpre et mélancolique.
(voir le mémoire d'André Cariou, Le peintre Charles Cottet et la Bretagne).
Dans "Rayons du soir", la dissolution de l'image, chère aux impressionnistes est rejetée. A cette époque, les Nabis, remettent en question la vision instantanée et mouvante de
leurs aînés. Si les premiers sont attirés vers le primitivisme, la tournent vers les classiques. Ils y puisent avec bonheur les éléments
les plus solides de leurs œuvres.
Mais alors que ses contemporains sont à la recherche d’une Bretagne pittoresque, saisie sur le vif, Cottet recrée des paysages en atelier, en synthétisant différentes vues. "Marine" fait partie de ces paysages transposés à partir du réel. La figure humaine y est totalement absente. Le peintre lui préfère la nature sous un ciel d’orage. Il joue avec les effets atmosphériques et les variations du ciel et propose une œuvre aux accents réalistes, où la mer donne à voir sa brutalité.
Marie Auguste Émile René Ménard, dit René Ménard
René Ménard est un peintre symboliste français, de paysages bucoliques et de scènes antiques exécutait des paysages historiques (Premières Étoiles, 1899, musée de Lyon) et de grandes décorations bucoliques d'une poésie sereine (l'Âge d'or, 1909, Paris, panneaux peints pour la faculté de droit, déposés en 1970, actuellement au musée d'Orsay).
René Ménard est baigné dans un milieu artistique : Corot, Millet et les peintres de Barbizon fréquentent sa famille, le familiarisant avec la nature et le paysage ainsi qu'avec les sujets antiques. Il étudie à l'Académie Julian à partir de 1880, après avoir été élève de Paul Baudry, William Bouguereau et Henri Lehmann. Connu pour ses paysages symbolistes et crépusculaires, il participe au Salon de la Sécession à Munich, et au Salon de la Libre Esthétique à Bruxelles en 1897. Il est un des membres du groupe dit de la Bande noire.
Si Ménard s'inspire dans un premier temps des épisodes bibliques et mythologiques, il préfère rapidement les thèmes lyriques et pastoraux sans référence précise.
Observés à l'aube ou au crépuscule, les paysages de Ménard manifestent une émotion particulière, emprunts de mystérieux, de silence et de solitude.
(cf Le dictionnaire des historiens de l'art)
André Dauchez (1870-1948), beau-frère de Lucien
Simon, est un peintre et graveur qui a consacré son œuvre à la Bretagne bretonnante, principalement à des paysages d'estuaires et de marée basse et a aussi peint quelques scènes tirées de la vie quotidienne bretonne (Les Brûleurs de goémon, 1898, musée de Moulins).
André Dauchez se rend en Bretagne très jeune et plus
particulièrement sur l’embouchure de la rivière Odet où sa famille fréquentera Bénodet et en 1893 s’installera dans la maison de Kergaït
qui se situait non loin de l’entrée de l’estuaire. Ces périodes
estivales de la famille Dauchez, décidera de la vocation picturale et maritime pour André Dauchez, d’autant plus que son beau-frère, Lucien
Simon, peintre lui aussi, cohabita dans cette maison jusqu’à la fin du
XIXe siècle. Sur les conseils de Lucien Simon, et, depuis 1894, il se consacra à la représentation de sa chère Bretagne, surtout celle des
environs de Bénodet. Il fut qualifié de peintre du vent et des estuaires et ses toiles sont faites de paysages à la composition soignée et aérée.
Professeur à l'École nationale des beaux-arts, il y crée et dirige le premier atelier de femmes.
Une de ses œuvres les plus connues, La Sonate à Kreutzer, est exposée en 1901 à l'exposition « L'Art français contemporain » à Stuttgart où elle est vendue au Prince Régent de Bavière.
L'année 1904 voit la création avec Lucien Simon et Antoine Bourdelle des ateliers de l'Académie de la Grande Chaumière.
Lucien Simon (1861-1945) d’origine parisienne intégra le groupe « La bande noire », et prit ses distances avec les groupes impressionnistes et néo-impressionnistes en adoptant un réalisme stylisé et vigoureux, caractérisé en outre par une palette assez sombre. Il privilégia portraits et peinture de genre, ainsi que la mise en scène de groupes, notamment en Bretagne, qui fut pour lui une source particulière d’inspiration (cf).
Dans la Procession (1901, musée d'Orsay) exprimaient la rudesse primitive des marins. Il brossa aussi de beaux portraits (Autoportrait, 1909, musée de Lyon) et des scènes intimes plus impressionnistes (Causerie du soir).
À partir de 1898, Maurice Denis (1870-1943) aborde le thème des Baigneuses au cours de plusieurs séjours à Perros-Guirec en Bretagne où il achète la villa Silencio. Puis la décennie 1900, il fait partie de ce groupe de jeunes peintres de la « Bande noire ». En 1906 il voyage avec Ker-Xavier Roussel en Provence et sur la côte, où la lumière des bords de mer lui permet d’exalter les couleurs et de souligner la violence qui émane souvent de ces légendes.
La Bretagne représente pour Maurice Denis un lieu d’inspiration artistique, d’épanouissement familial et de recueillement spirituel. Dans l’interprétation des paysages comme dans les scènes de la vie de ce pays familier et idéalisé, le peintre magnifie et transfigure par sa vision singulière tous les aspects de la nature et des activités humaines.
Edmond Aman-Jean, (1858-1936), ami du poète Verlaine a souvent peint des portraits de femmes rêveuses. Dans les années 1900, sans en faire partie, il sera proche du groupe de jeunes peintres de la Bande noire.
George Desvallières (1861-1950) tant du point de vue de la critique que par ses œuvres en elles-mêmes, ne fait pourtant pas partie, de cette fameuse « Bande noire ».
Hormis l’art du portrait, qui semble d’ailleurs fournir l’unique point de rapprochement artistique, les productions de Desvallières, tout comme le procédé qu’il emploie, n’ont alors plus rien à voir avec celles de ses amis.
(voir : Lucien Simon (1861-1945) – George Desvallières (1861-1950). Une amitié d’hommes et d’artistes par Maximilien Ambroselli, Diplômé de l’Ecole du Louvre, Doctorant sous la direction de Pierre Wat à l'Université Paris I).
Robert Lotiron (1886-1966) intègre les artistes permanents de la galerie Marseille à Paris, suiveurs du groupe de la Bande noire, refusant le fauvisme puis le surréalisme.
Luc-Albert Moreau (1882-1948) est un artiste peintre, graveur, lithographe et illustrateur français, proche à ses débuts du groupe dit de la Bande noire, puis de la Section d'or.
Jean-Louis Boussingault (1883-1943) est un artiste peintre, graveur et illustrateur français qui appartient au premier groupe des arts décos
Influence du courant des "Nubiens" en Europe
Les peintres de la Bande noire influencerent des peintres étrangers comme l’anglais Frank Brangwyn ou l’espagnol Ignacio Zuloaga.
- Frank Brangwyn (1867- 1956)
Ses premiers travaux étaient tournés autour de la mer. Ceci est considéré comme sa période «grise» avec une palette
limitée. Sa toile de 1890, "Funérailles en mer" est typique de cette période et a remporté une médaille d'or au Salon de Paris en 1891.
En 1895, il a été invité à peindre des fresques dans la galerie, "L'Art Nouveau", à Paris.
Zuloaga, en dépit de fréquents voyages, demeurera à Paris de 1890
à 1895 où il sera adopté d'emblée par la " bande catalane "
(Rusiñol, Casas, Utrillo). Il aura ensuite de nombreux amis peintres,
Degas, Gauguin, Émile Bernard et Charles Cottet (qu'il conduira par la
suite en Castille). En 1906, Zuloaga installe de nouveau son atelier à
Paris. Il peint de nombreuses toiles dans cette période, notamment
" Toreros de pueblo et Celestina".
cf aussi.
La Bande noire, et leur stylisation du réalisme, n'a pas encore fait l'objet d'une grande rétrospective qui lui donne sa juste place à côté des réalistes synthétiques belges, néerlandais ou nordiques. Ce courant a été négligé par les historiens de l'art, et attend toujours sa réévaluation.
Anne-Françoise Ponthus (Thèse en 2006 à l’université de Paris I ) montre que la « Bande Noire » faisait partie intégrante de « La Société Nouvelle de peintres et de sculpteurs », association créée en 1900 par le critique d'art et poète Gabriel Mourey. Ce groupe d'artistes connu un vif succès auprès de la critique, des institutions et du public au début du XXe siècle.
Voir le site de Anne-Françoise Ponthus sur la « Société Nouvelle de peintres et de sculpteurs ».